Quatre visages clés du populisme helvétique

Quatre visages clés du populisme helvétique

Da Tribune de Genève (tdg.ch) | Trois forces politiques s’en prennent constamment aux élites qui ne respecteraient pas la vraie volonté du peuple. Il s’agit de l’UDC, premier parti suisse, de la Ligue tessinoise et du MCG.

Parler de «populisme», c’est s’avancer sur un terrain miné. Cette formule fourre-tout, collée à certains pour les discréditer d’emblée, est généralement utilisée pour qualifier un parti qui se revendique comme le vrai représentant du peuple face à une élite sourde à la volonté populaire. Ce mouvement a souvent un chef charismatique qui fait «monter la sauce», assure une visibilité publique forte et qui se traduit ensuite par des gains électoraux importants.

A cet aune-là, trois forces politiques peuvent se ranger sous l’étiquette populiste: l’Union démocratique du centre (UDC), la Lega (Ligue des Tessinois) et le Mouvement citoyens genevois (MCG). L’UDC est le mouvement qui a le plus prospéré. Petit parti gouvernemental à la tradition agrarienne et de centre droit, il est devenu la première force politique du pays. Et de loin. Aux dernières élections fédérales en 2015, il frôle la barre des 30% des voix et dispose de deux conseillers fédéraux.

La transformation de l’UDC en une droite conservatrice musclée a été enclenchée dans les années 90 par son leader Christoph Blocher. Ce dernier, qui reste aujourd’hui chef de la stratégie du parti, apparaît cependant moins sur le devant de la scène. On assiste à la montée en puissance du rédacteur en chef et conseiller national Roger Köppel (voir ci-dessous). Du côté romand, c’est toujours le conseiller d’Etat Oskar Freysinger qui tient le haut du pavé. C’est lui qui a amené le parti à lutter contre l’islamisme.

Alors que l’UDC se positionne clairement à droite sur les questions économiques, la Lega et le MCG ont au contraire une composante sociale très affirmée. Les deux mouvements n’en sont pas au même stade de développement. La Lega, premier parti du Tessin, est devenue incontournable dans son canton et dispose de deux conseillers d’Etat. Le MCG n’a pas pu percer pareillement à Genève même s’il compte désormais un conseiller d’Etat en la personne de Mauro Poggia. Les trois partis se rejoignent essentiellement sur les questions de sécurité, d’identité et de préférence indigène pour l’emploi.

Il faut noter que le populisme n’épargne pas la gauche dure qui, elle, dénonce une élite économique assoiffée de profits au détriment du peuple. En Suisse, son poids politique est nettement plus faible.

Roger Köppel: l’intellectuel
Rédacteur en chef de l’hebdomadaire de la droite nationale et conservatrice la Weltwoche, le Zurichois se démultiplie sur la scène politique depuis qu’il est entré au Conseil national, en 2015. Meilleur élu de Suisse à la Chambre basse, il a reçu d’emblée la responsabilité du dossier européen à l’UDC. La loi d’application de l’initiative «Contre l’immigration de masse», votée en décembre par le parlement, l’a fait sortir de ses gonds. On l’a vu vitupérer dans une vidéo de présentation de son journal tournée au cœur du Palais fédéral pendant la session des Chambres. «Enterrement de la démocratie», «gifle d’une pseudo-élite à la population», «commando suicide du PLR et du PS», s’est écrié ce grand admirateur de Christoph Blocher. Journaliste et politicien de premier plan, il mélange allègrement ses deux casquettes. Très bon orateur, provocateur né, il a le don d’exaspérer la gauche. Il a même réussi à faire sortir la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga de la salle du National en la mettant en cause.

Eric Stauffer: le trublion déchu
Il a déboulé comme un chien dans un jeu de quilles sur la scène politique genevoise. Ancien membre du Parti libéral, déçu de l’UDC, il fonde en 2005 le Mouvement citoyens genevois. Il s’inspire alors directement de la Ligue des Tessinois qui cartonnait déjà à l’époque. Le verbe coloré, la dent dure contre les partis en place, il se proclame défenseur du peuple face aux élites. Le positionnement du parti? Ni droite, ni gauche. En fait, il milite à la fois pour un renforcement de la sécurité publique et de la sécurité sociale. Le succès est immédiat au Grand Conseil. Il fait grandir le parti en exploitant une nouvelle cible: les frontaliers. Faute d’alliance de poids et en raison de ses foucades, Eric Stauffer ne réussira jamais à se faire élire au Conseil d’Etat. En 2016, sentant son mouvement lui échapper, il tente un come-back à la présidence. Il échoue pour une voix et démissionne. Depuis, il menace régulièrement de fonder un parti dissident pour se relancer dans l’arène politique.

Norman Gobbi: le chef de police
La Suisse a véritablement découvert Norman Gobbi lorsqu’il a pris à la dernière minute sa carte à l’UDC pour devenir candidat officiel au Conseil fédéral. C’était lors de la succession d’Eveline Widmer-Schlumpf en 2015. Qu’on ne s’y trompe pas. Le Tessinois défend cependant avant tout les intérêts de son parti, la Ligue des Tessinois (La Lega). Diplômé en sciences de la communication, conseiller national pendant un an, il accède au Conseil d’Etat tessinois en 2011 à l’âge de 34 ans. Il dirige le Département des institutions, qui supervise notamment la police et la justice. Très bien réélu, il est désormais une figure de proue de la Lega où il se profile comme protecteur des frontières et rempart contre les travailleurs frontaliers italiens. C’est lui qui exige de ces derniers un extrait du casier judiciaire avant qu’ils ne puissent travailler au Tessin. Sa candidature au Conseil fédéral a coulé suite à une attaque du PS aux Chambres fédérales qui l’a jugé inéligible notamment pour «ses travers racistes».

Oskar Freysinger: le fantasque
Yvan Perrin ayant dû démissionner pour cause de maladie, Oskar Freysinger est le seul conseiller d’Etat UDC romand en exercice. Elu avec un score canon en 2013, il souhaite rempiler en mars 2017. En pleine campagne, il vient de commettre une énorme bourde en mandatant un survivaliste, revendiquant «son côté Waffen SS» dans une vidéo. L’homme a été viré depuis. Toujours en perpétuelle bisbille avec les médias qui le critiquent, le fantasque Freysinger aime régler ses comptes sur son site Internet «Oskar et vous». Depuis qu’il a quitté son poste de conseiller national, il ne joue plus un rôle de premier plan à l’UDC Suisse. Sa fonction ministérielle l’accapare même s’il trouve toujours le temps d’aller répandre la bonne parole de la droite musclée à l’étranger dans des assemblées plus ou moins fréquentables. Un prosélytisme idéologique qui a toujours irrité la direction de l’UDC Suisse. Celle-ci craint tout contact avec des mouvements d’extrême droite en Europe.

(TDG)

Quatre visages clés du populisme helvétique: http://www.tdg.ch/suisse/quatre-visages-cles-populisme-helvetique/story/24381030 (Foto: Keystone/ Laurent Guiraud)

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